J'ai le plaisir de vous proposer en ce début d année 2023, une interview d'un homme qui a joué un rôle important dans la transmission du karaté traditionnel en aidant Nishiyama Sensei à écrire le manuel de l'entraîneur de karaté traditionnel.
J'ai donc pensé qu'il serait intéressant d'en savoir plus sur cet homme, son parcours et sa vision globale du karaté traditionnel.
Sylvain Jouan : CJ Beck, merci d'avoir accepté de répondre à mes questions,
Tout d'abord, en quelques mots, pouvez-vous vous présenter, que cache l'acronyme CJ ?Comment définirais-tu l'homme que vous êtes en quelques phrases ?
C.J.Beck : J'ai choisi d'écrire sous le nom de C.J. Beck afin d'éliminer toute idée de genre dans l'esprit des lecteurs.. Mon premier roman "Sizzle", qui se situe en partie en Provence, a un protagoniste féminin. J'ai toujours pensé que l'œuvre devait parler d'elle-même et non la réputation de l'auteur. Je me suis formé à la méthode Stanislavski pour apprendre le jeu d'acteur et le développement des personnages. Pour le reste, c'est mon expérience de la vie qui guide mon travail. Les
enseignements de Bouddha influencent aussi ma vie. Bouddha a dit que le "je" est une illusion. Mais il a aussi dit que l'on doit s'en rendre compte par soi-même. Nishiyama a dit quelque chose de similaire sur la technique.
Je suis un citoyen du monde.( en français dans le texte) Dans la publicité, ils m'ont payé pour être un iconoclaste. J'ai toujours cherché à être objectif et à rapporter cette vérité. Libérées du brouillard de la politique, les idées et les stratégies deviennent saillantes et claires, et plus susceptibles de faire une différence significative. Un jour ou l'autre, il faut choisir entre une carrière en entreprise ou en conseil.
J'ai conseillé certains des futurs dirigeants de l'Afrique du Sud pendant les années d'apartheid et leur ai apporté les mots de Nelson Mandela, quand mentionner son nom était un déjà un crime. J'ai dû prendre des décisions impopulaires pour redresser plusieurs sociétés à capital fermé aux États-Unis et au Canada. J'ai partagé ma stratégie marketing de repositionnement d'IBM avec l'équipe de Steve Jobs un an avant le lancement du Macintosh d'Apple en 1984.
Jobs a souvent vu plus loin que le bout de son nez (sauf dans le cas de l'Internet), et Apple a adopté mes idées.
"Les bons artistes copient, les grands artistes volent" - Steve Jobs citant Picasso. Les idées uniques et révolutionnaires révélées par mes recherches et le plan de communication quinquennal qui en découle pour le HUD (le département de l’ancien Secrétaire au Logement et au Développement urbain des États-Unis Henry Cisneros) continuent à aider des gens a accéder a des logements de meilleure qualité en plus des centaines de milliers qui en ont dejà beneficié.
Une de mes tâches en tant que Président de mon association de propriétaires était
d' empêcher Donald Trump de construire à côté de chez moi. Pour en savoir plus, lisez "Seize histoires, pas d'animaux".“Sixteen Stories, No Pets”.
SJ : impressionnant .... déjà en quelques phrases vous nous donneriez envie d'en savoir plus et cela mériterait probablement un livre ! !! Mais pour en venir au sujet, pouvez-vous nous dire comment vous avez commencé votre voyage en tant que pratiquant de karaté ?
CJB : Au début des années 70, alors que j'étais un publicitaire d'une vingtaine d'années, j'ai participé aux cours de Sensei Enoeda Keinosuke de la JKA.à Londres.
J'ai déménagé en Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid, où le karaté traditionnel était déjà de niveau international , je m'entraînais régulièrement à un mélange de gymnastique et de karaté avec l'un de mes directeurs de comptes, ceinture noire de la JKA., l'ancien président d'Old Mutual, Gustav Preller, et son frère Carl, directeur de la création publicitaire ( note ;Old Mutual est une compagnie d’assurance basée a Londres dont la filiale d Afrique du sud est la deuxième entreprise d Afrique , source wikipedia) t Carl et son fils sont toujours avec la JKA et Keith Geyer vit en Australie occidentale.
J'ai rapidement commencé à m'entraîner à plein temps au karaté shotokan au dojo de la JKA à Johannesburg de 1976 à 1978 dirigé par les légendaires Senseis Stan Schmidt et Norman Robinson. Je me souviens que Sensei Nakayama était passé à l'improviste pour diriger une classe de seniors. Sensei Robinson nous a brusquement demandé de partir. Nous sommes restés dehors sur la pointe des pieds pour observer la magie.
On peut voir quelques-unes des personnes avec lesquelles je me suis entraîné sur la bande annonce de Kill and Kill Again (1981) (ndt bande annonce et film visibles sur youtube ,! )
SJ ;J'ai vu la bande-annonce, c'est génial, c'est sûr que ce n'est pas le meilleur film de tous les temps, , mais ce ne sont pas seulement des cascadeurs mais aussi des karatékas de haut niveau !
CJB . : Une intrigue de film de série B, oui. Mais un authentique karaté traditionnel de la vieille école JKA. Vous allez remarquer qu'il y a eu très peu de montage. Le mouvement est en temps réel et continu en une seule prise pendant les séquences de karaté. Pas de magie de cinéma ni de cascadeurs nécessaires.
Avant mes années avec Hidetaka Nishiyama Shinan, je me suis entraîné étroitement avec Stan Schmidt, Norman Robinson, et pendant plusieurs années avec mon bon ami Miguel Palavecino diplômé par Itaya Sensei, élève direct de Nishiyama, et leader sud-américain de la JKA. Il m'a entièrement préparé pour ma phase de postgraduation avec Shinan Nishiyama.
J'avais découvert mon précédent Sensei, Miguel Palavecino, à travers la recommandation de Miki Mori, propriétaire d'un bar à sushis et ancien élève d'Asai Sensei au Japon.J'avais un bureau au coin de la rue Scollard, à Toronto.
Sensei Miguel m'a initié au bouddhisme zen.
Sensei Miguel Palavecino et Michihisa Itaya Sensei -
Décembre 1972 Club Juventus, Montevideo – Uruguay
SJ : vous aviez déjà rencontré de nombreux grands maîtres, mais comment avez-vous rencontré Nishiyama Sensei ?
CJB : En déménageant de Toronto à LA, j'avais besoin de continuer le karaté. J'ai parcouru les pages jaunes et je me suis rendu au siège international de la JKA. J'ai rencontré un homme âgé à la porte de son bureau international et je l'ai reconnu comme étant une version plus ancienne des photos de la "bible" du karaté de Nishiyama sensei
Mais il n'était pas en gi mais portait un élégant costume d'affaires et une cravate. "Êtes-vous Sensei Hidetaka Nishiyama ?" ai-je demandé. Je ne savais pas qu'il vivait à Los Angeles. Je pensais qu'il vivait probablement au Japon. Il a hoché la tête avec un sourire.
"Avez-vous un dojo ?" Encore une fois il a hoché la tête et m'a invité dans les bureaux, qui semblaient a peine assez vaste pour une seule personne.
Dernière question.
"Puis-je m'y entraîner ?"
Après lui avoir parlé de ma formation antérieure, il a accepté.
Wow ! J'ai flotté le reste de la journée.
SJ : Pour moi et pour tous ceux qui n'ont pas connu cette époque, et qui ne peuvent que l'imaginer, je voudrais vous demander comment était la vie au dojo de Sensei ?
CJB : Retour à la base. Il vous assignait votre kata, dans mon cas Sochin. Je l'ai pratiqué chaque classe, chaque semaine, chaque mois pendant des années. L'entraînement était formel, régimenté et intense. Pas de temps pour les bavardages, les blagues ou les histoires. Il identifiait ce qui avait été manqué dans vos premières années de formation. Il vous a réapprenait les bases et vous demandait de vous perfectionner. Il transmettait l'apprentissage qu'il avait acquis de son maître principal Gichin Funakoshi. Tu n'oublieras jamais les bases quand tu t'entraîneras chaque semaine pendant des années avec un maître de la vieille école. Une fois que vous avez cette base solide, tout apprentissage ultérieur devient plus efficace.
CJB Lorsque je suis retourné dans mon ancien dojo à Toronto pour un week-end, mes mouvements les plus basiques semblaient plus fluides.
J'étais définitivement plus rapide et je surpassais tous mes contemporains. Pas avec de nouvelles techniques, mais avec des techniques anciennes améliorées. Dans les combats, j'avais maintenant l'avantage. Même sur certains seniors. C'est la valeur qu'un vrai maître ajoute.
Les meilleurs karatékas venaient, non pas pour sempai, mais pour s'entraîner dur. La plupart du temps, Sensei James Yabe, qui était déjà un sixième Dan, se présentait au LA Central et travaillait dur. Sensei Ray Dalke est arrivé un jour et a dit qu'il venait de gagner un championnat du monde au Japon... Mais il savait qu'il avait encore beaucoup à apprendre. À L.A. Central, il était de retour à la source pour corriger le tir et n'était qu'un karatéka parmi d'autres bien formés comme le champion en serie Vern Vaden Sensei.
Plus tôt ce jour-là, par respect Dalke s'était présenté au bureau pendant que Sensei et moi travaillions et a dit qu'il se joindrait à la classe plus tard.
Hidetake Nishiyama Shinan est une partie essentielle de la lignée qui transmet "fidèlement" les enseignements de Maître Funakoshi soixante ans plus tôt dans sa vie.
Deux Shinans (boussoles) qui ont fixé le cap du Karaté traditionnel.
Sensei était de la vieille école. C’était un individu très formel et il était plus que probable qu'il adhérait à l'enseignement qu'il avait reçu, explorant à l'intérieur de celui-ci plutôt que de créer en dehors. Il suffit de regarder ses vieux films des années 1950 et de comparer avec la façon dont ses meilleurs élèves, comme Vern Vaden, Avi Rokah et Toru Shimoji, se déplacent aujourd'hui. Combien de nouvelles façons peuvent exister pour délivrer efficacement l'ikken hissatsu ?
Parce qu'il venait de la source, il savait ce qui manquait lorsqu'un karatéka senior expérimenté se présentait pour la première fois dans son dojo. C'est pourquoi son annuel gasshuku à San Diego attirait des Shihan et des Sensei bien établis et de premier plan du monde entier comme Malcolm Dorfman Shihan, non pas pour enseigner, mais pour s'entraîner. Des top masters de la JKA comme Masatoshi Nakayama Shinan assistaient au camp et aidaient à l'entraînement.
SJ : La première fois que je vous ai contacté, c'était au sujet du livre que vous avez écrit avec Nishiyama Sensei, il y a peut-être deux ans, (j'essayais de trouver ce livre). Maintenant, j'ai la chance de vous poser la question ; Comment en êtes-vous venu à participer à la conception du livre du manuel des entraîneurs avec sensei ?
CJB C'était une progression naturelle du travail que je faisais déjà. Il connaissait ma formation en affaires et m'a demandé d'être son "secrétaire", comme il disait, et d'écrire ses lettres officielles de l'ITKF au Comité international olympique. Nous leur parlions de l'introduction du karaté comme catégorie aux Jeux olympiques.
SJ -. J'aime relier les choses et les gens, mon précédent sujet d'interview, Daniel Tobias, m'a rappelé que vous étiez un élève de Palavecino Miguel Sensei lui-même originaire d'Uruguay, qui était lui-même un élève de Michihisa Itaya Sensei.
Daniel voulait vous demander quel sentiment cela vous a laissé de participer à la traduction du livre qui est devenu par la suite le guide pour tous les élèves de Nishiyama Sensei ?
CJB : Connaissez-vous le terme japonais恩 "On" ?
C'était un travail bénévole où je redonnais au dojo et à l'homme. Ce travail d'amour
a conduit à une contrepartie que je n'avais jamais anticipée. Un coaching individuel et l'acquisition des connaissances techniques. Cet accès direct, brisant la formalité, et la possibilité de questionner en finesse sous la surface, m a aidé à décoder un peu plus de l'esprit de Sensei pour moi. I
J'ai apprécié l'opportunité qui m'a été offerte à l'époque, et les leçons que j'en ai tirées m'accompagnent encore aujourd'hui. J'aimerais seulement pouvoir en transmettre les bénéfices alors que je vois tant d'ignorance aujourd'hui.
C'était une édition laborieuse à l'ancienne, à la Maxwell Perkins, où je suggérais de nouveaux mots …et j'ai longuement révisé et réécrit les premières ébauches de Sensei. Toute personne qui a connu Sensei comprend pourquoi cela c’était nécessaire. Avec une pointe d'humour, je m'y réfère en tant que Nishiyama & Beck. Deux sections complètes sur la santé et la musculation ont été écrites par des spécialistes que Sensei crédite dans la préface
SJ Avez-vous des anecdotes sur Nishiyama Sensei que vous aimeriez partager avec nous ?
Un jour, en 1989, Nishiyama Sensei m'a remis un exemplaire signé de la première édition du Manuel des entraîneurs. "Maintenant, vous savez tout", m'a-t-il dit en riant. Notre relation était centrée sur le Karaté d'une manière ou d'une autre. Il avait plusieurs termes qui, à ce jour, ne se traduisent toujours pas bien sans démonstration. L'un de ces termes était "pression du corps". Les phrases auto-explicatives, complètes en elles-mêmes, étaient rares. Je pouvais poser des questions que l aspect formel aurait pu interdire sur le sol du dojo. Sensei se levait soudainement de sa chaise de bureau et faisait une démonstration. Je traduisais ses
actions en mots. Il fallait être là. Il fallait être présent. Ne pas être endormi.
Ses élèves nippo-américains et ceux qui ont participé à des tournois avec lui
peuvent avoir d'autres idées pour compléter le profil que vous établissez. Sensei James Yabe et Toru Shimoji par exemple. Ils lui parlaient en japonais en classe et ont peut-être approfondi le sujet. Demandez aux personnes qui ont participé à des compétitions avec lui.
Sensei Penny Roundtree, aurait été une bonne source, si elle avait survécu au cancer.
Sensei Varn Vaden excelle toujours dans le kumite à l'âge de quatre-vingts ans et a été très généreux de son temps pour me parler au téléphone.
Parlez aux vieux irréductibles et réguliers Ron et Susan Vance, et le dentiste de Shinan , Thomas Shinmoto Sensei.
J'avais refusé le rôle de chronométreur à cause des longs trajets et de l'imprévisibilité de mon vénérable chronométreur imprévisibles de ma vénérable Oldsmobile Supreme Brougham , Tom, un ami très honorable et courtois, m'a gentiment remplacé.
Les champions de karaté traditionnel kata et kumité de niveau mondial dans les années 1980 et 1990 avec notre Sensei. La photo a été prise au 7ème Championnat du Monde Seniors ITKF 14-15/10/1994. Treviso, Italie
Les membres de l'équipe des USA sont (de droite à gauche) Vern Vaden (juge), Ron Vance, Susan Vance, Tati Eugenio, Hidetaka Nishiyama, Amy Sperling, Brad Webb, Penny Ringwood (entraîneur), Gene Takahashi (juge), Avi Rokah(agenouillé). Steve Gancherov n'est pas sur la photo.
Sensei Nishiyama avait demandé à Sensei Vern Vaden d'arrêter la compétition pour encourager la nouvelle vague d'élèves talentueux comme Avi Rokah.
Maintenant âgé de plus de 80 ans, Vern continue a concourir dans la catégorie des plus de 45 ans.
Une histoire est appropriée, car elle concerne un vieil ennemi qui a fini par tuer Sensei et qui pourrait aider à sauver quelques vies .C'est la seule fois où j'ai pris l'offensive et insisté pour qu'il arrête de fumer devant moi pendant que nous travaillions.
« Sensei, s'il vous plaît », lui disais-je, peut-être avec une petite pantomime de toux,« Je ne fume pas et je suis allergique à la fumée du tabac ».
Il avait cinquante-neuf ans à l'époque.
S'il avait arrêté pour de bon, il aurait peut-être pu profiter de quelques belles années supplémentaires, comme mon père l'a fait quand il a arrêté au début de la quarantaine.
Même les grandes figures peuvent avoir des points faibles.
Il voulait que je travaille pour lui à plein temps, comme un ajout à son personnel permanent, mais je ne voulais pas brouiller notre relation et préférais faire du bénévolat. Un étudiant senior, bien des années plus tard, a reconnu que c'était une sage décision.,
Plus tard, Sensei m'a surpris en me remettant un chèque manuscrit équivalent aux frais mensuels de cours mensuel. Il n'y avait jamais eu de discussion sur le paiement. J'ai essayé de refuser mais il ne voulait pas en entendre parler et les paiements mensuels ont continué jusqu'à ce que le livre soit terminé. J'ai conservé mon statut de volontaire, et l'honneur de Sensei a été servi par la même occasion.
Quelque temps après mon départ, j'ai croisé Sensei, avec sa femme, devant le supermarché Boy's Supermarket à Marina Del Rey. J'ai peut-être fait remarquer qu'ils étaient loin de Silver Lake. Il m'a demandé de revenir au dojo. Nous étions toujours en bons termes.
C'était la dernière fois que je le voyais.
Il y a beaucoup de bonnes histoires sur ses démêlés avec le CIO, la WUKO et Jacques Delcourt que d'autres pourraient souhaiter partager.
"Le San Dan des uns est le Sho Dan des autres."
- Nishiyama Shinan –
SJ - Pensez-vous, avec le recul, que Sensei aurait pu penser à réaliser un livre plus ultime que "l'art du combat à mains nues" ?
CJB- Je suppose que oui puisque vous posez la question.
Le livre To-te Ryukyu Kenpo de 1922 de Maître Gichin Funakoshi était-il final et définitif ?
J'ai revu la publication Shoto de 1922 dans les archives au Japon, et j'ai découvert
quelques kata favoris familiers, dont l'un que j'ai dirigé en Afrique du Sud lors d'un cours « Early Bird » de Sensei Stan Schmidt en 1985 - Tekki Sho Dan - à la demande de Sensei Stan. Quel honneur pour un visiteur ! Ce Shihan, que sa mémoire soit bénie , était un véritable gentleman, qui m'a offert un long tête-à-tête ( en français dans le texte)au petit déjeuner avec des histoires inédites de Tanaka Sensei et d'autres.
Kanku Dai, un autre favori de Shoto, Miguel Palavecino et moi-même,y est également illustré.
Rien ne peut remplacer un entraînement continu et intensif sous l'œil expert d'un maître.. Ses meilleurs élèves constituent l'ensemble de son œuvre. Comme l'étaient ceux de Funakoshi. La tradition continue Comme Maître Funakoshi avant lui, une grande partie du temps de Sensei a été absorbée à essayer d'amener le karaté traditionnel à un niveau supérieur d'acceptation et de popularité.
Contrairement au Japon, l'Amérique n'est pas un bon marché pour tout ce qui n'est pas commercial. Je me souviens du journaliste et commentateur américain Russell Baker qui dit "En Amérique rien ne meurt plus facilement que la tradition".
Le manuel de l'entraîneur de karaté traditionnel de l'ITKF faisait partie d'une campagne coordonnée pour faire du prosélytisme en utilisant ses seniors internationaux les plus importants. Il était déterminé à faire entrer le karaté traditionnel de Funakoshi aux Jeux Olympiques. Sans dilution. Sans compromis.
Le karaté sportif est un désastre.
Il représente un danger clair et net pour tous ses pratiquants.
Il met en danger son utilisateur dans la rue.
Le talent et la vitesse ne peuvent pas se mesurer à la technique et au timing.
C'est un président français, peut-être Jacques Chirac, qui a dit quelque chose comme ;"Rien en Amérique n'est complet tant qu'il n'est pas rendu absurde."
Mais je crois que Sensei Nishiyama dirait que la plupart de l'absurdité du karaté est devrait être mise sur le compte d'un autre Jacques, son ancien sparring partner politique :Jacques Delcourt.
Jacques Delcourt (à gauche) avec Hidetaka Nishiyama et Masatoshi Nakayama.
Sensei n'a jamais utilisé que le mot "karaté" quand je l'ai connu, sauf quand nous travaillions sur le manuel. Il faisait référence au "Budo". A la JKA dans les années 70 et 80 nous n'avons jamais utilisé le terme "traditionnel". Sans doute avait-il ses raisons, dont l'une d'entre elles était Jacques Delcourt – je peux encore visualiser son sourire en coin et son gloussement à l'évocation de ce nom - et l'émergence, ou plutôt la divergence, du "karaté sportif". Le terme générique et le préfixe "traditionnel" impliquait une opposition que Sensei ressentait profondément. Lisez la préface du manuel de l'entraîneur qui discute de l'utilisation du terme shinan, qui signifie "boussole" en japonais. Sans boussole, le karaté peut perdre son chemin, comme il l'a fait dans le karaté sportif. Il faut tenir fermement la barre.
SJ : Je suis heureux d'entendre ça ! Je passe tellement de temps à expliquer autour de moi que le karaté n'est pas seulement la version sportive, vous me donnez une explication claire de l’origine du mot "traditionnel" (mais je vais encore prendre beaucoup de temps car j'ai découvert que de nos jours les clubs de karaté sportif (pour attirer les gens qui se tournent vers le jjb ou le mma )choisissent parfois de mettre sur leurs publicités " Karaté Do traditionnel " ...
SJ nous avons parlé de la vie du dojo de sensei, et je sens que vous pourriez en parler pendant des heures.Je voudrais vous demander comment intègrez-vous le karaté dans votre vie et comment le pratiquez vous aujourd'hui ?
CJB : Régler la boussole sur le vrai nord. Entraîner l'esprit et le corps à faire face aux urgences de la vie. Apprendre l'emplacement des sorties de secours. Au moment où Nishiyama Sensei est entré dans la lumière ,le 10 mars 2008, j'avais déjà avancé dans ma carrière professionnelle. Je médite tous les jours pour trouver la paix et la clarté intérieures et je m'entraîne alternativement en gymnastique suédoise et en plyométrie pour me préparer aux urgences de la vie. Je vérifie la mobilité des kihon avec Niju Sichi Waza - le kata en 27 mouvements. Le mouvement est un médicament. Je m'entraîne à l'inattendu quand je suis le moins préparé et le plus désavantagé. Mais je m'entraîne surtout à être conscient, afin d'être loin avant que les problèmes ne commencent.
Je considère les conséquences possibles et probables de mes actions. La vie est
imprévisible.
SJ et, s'il vous plaît, quel conseil donneriez-vous aujourd'hui à quelqu'un qui veut commencer le karaté-do traditionnel? Pas nécessairement un jeune athlète, mais une personne lambda qui s'intéresse au karaté ?
CJB Découvrez l'entraîneur perspicace et au grand cœur qui comprend le fonctionnement du corps humain et peut le faire travailler efficacement.
A-t-il un esprit intérieur qui reflète une intention vertueuse ? Regardez comment la plupart de ses élèves s'entraînent. Peut-il décomposer les mouvements et expliquer ce qu'ils accomplissent ? Il peut avoir ses préférés - un noyau de personnes qui l'aident à enseigner, mais passe-t-il aussi du temps avec d'autres étudiants ?
Tous les karatékas accomplis ne possèdent pas les compétences requises pour être
un entraîneur, parce qu'ils ne comprennent pas leur compétence innée quand les mouvements viennent facilement . Ne vous laissez pas impressionner par le grand nom, mais cherchez plutôt la grande personne.
Le Karaté sportif n'est pas un pays pour les vieux hommes. Mais le karaté traditionnel peut l'être.
Nous devons être fermes et nous poser des questions impitoyables sur nous-mêmes. Éviter l'excès de confiance.
À ce stade, nous devons tout réapprendre. Nous devons nous poser les bonnes questions.
Se demander comment vaincre un adversaire plus jeune, bien entraîné et encore plus expérimenté ?
Avez-vous déjà observé un combat dans la rue ? Beaucoup d'entre eux n'ont jamais écouté le personnage de Clint Eastwood qui disait "Un homme doit apprendre ses limites".
Le plancher en bois de LA Central était plus dur qu'un tatami, et la rue est encore plus dure.
Elle peut être un ennemi mortel, ou pire, un allié, dont on sait qu'il peut tuer. La rue n'est pas le dojo.
Nous devons nous préparer au combat comme une armée bien trempée. Mais comme le dit Sun Tsu, toujours essayer de gagner la bataille sans coup férir. Comme le Duc de Wellngton à la veille de la bataille de Waterloo. - Oh oh ! Excuse moi Sylvain -. Mais j'utilise cette citation assez souvent.
Lorsqu'on lui a demandé quel était son plan pour combattre Napoléon, il a répondu : "Mon plan est de ne pas avoir de plan, de cette façon, je serai préparé à toute éventualité."
Ne vous enfermez pas dans une seule technique.
L'occasion de l'utiliser ne se présentera peut-être jamais. Le temps est souvent l'ennemi et vous ,vous devenez plus lent. La préparation est dans les exercices et l'entraînement qui déplace la kinesthésie du côté gauche au côté droit du cerveau. Les mouvements et les réponses deviennent intuitifs, et l'efficacité mécanique s'améliore.
Ainsi, comme le Duc de Wellington, vous serez préparé à toute éventualité. Bien sûr, si le nombre est contre vous, et que c'est une option envisageable, la retraite est une solution raisonnable.
Quelles sont nos forces ? Il se peut qu'il n'y en ait que quelques-unes. Et nous devons constamment les affiner.
Quelles sont nos faiblesses qu'un adversaire pourrait exploiter ?Quelles opportunités notre adversaire offre-t-il ? Quelles menaces cet adversaire présente-t-il ?
La première étape consiste à comprendre les limites de notre corps afin de pouvoir sélectionner et exploiter au mieux les outils réellement efficaces dont nous disposons.
Nos forces. Une honnête prise de conscience est essentielle.
L'élimination impitoyable de certaines techniques - nos faiblesses - sera exigée.
La jeunesse et l'agilité peuvent compenser beaucoup de choses, mais elles peuvent aussi créer un écran de fumée mental qui empêche de comprendre le processus et d'apprendre une bonne technique.
C'est là que le Karaté sportif tombe à l'eau. Sans sagesse, la jeunesse est
est gaspillée par les jeunes.
Moins nous sommes agiles, plus nous avons besoin de couper court a la situation, surtout dans les situations immediates d'autodéfense, de vie ou de mort, en évaluant les opportunités et les menaces.Nous devons constamment entretenir la machine et l'esprit. Les vingt principes directeurs du Shōtōkan nijū kun contiennent des conseils judicieux sur la vie, la pratique et l'enseignement des techniques du karaté.
Si les agresseurs n’ont aucune connaissance préalable et donc aucune défense , vous pouvez délivrer votre meilleure technique, mais ne présumez jamais que ce soit le cas
Notre entraînement avec de grands professeurs nous prépare à avancer en âge. Nous devrions être suffisamment conscients pour limiter notre répertoire aux choses qui fonctionnent ici et maintenant. Je ne suis pas le C.J. Beck que vous voyez sur la photo de 1986. Le plus important est l'amplitude du mouvement. C'est peut être votre ennemi ou votre allié. Le mouvement est une lotion. Le déplacement est un médicament.
SJ J'aimerais graver plusieurs de vos phrases en lettres d'or ! En tout cas
je pense que je vais fatiguer mes élèves en répétant certaines d'entre elles !
Pour finir, comment voyez-vous l'avenir du karaté traditionnel ?
CJB Un petit créneau pour les specialistes .
SJ . Réponse courte mais lucide...
SJ :Imaginons que vous trouviez la lampe d'Aladin, quels souhaits formuleriez-vous pour l'avenir du karaté-do dans les décennies à venir ?
formuleriez-vous pour l'avenir du karaté-do dans les décennies à venir ?
CJB : un avenir reuni . Retourner aux origines avant les vénérables maîtres Kano, Funakoshi, Ueshiba et autres. Les formes qu'ils ont développées ont toutes des limites en matière de self-défense.
Leurs arts martiaux sont comme des sections séparées arrachées d'un grand livre, avec des lignes caviardées et des pages manquantes. Le contact repetitif sous n'importe quelle forme améliore notre appréciation de la fragilité physique.
Appliquez chaque jour les vingt préceptes du Shōtōkan nijū kun.
La discrétion est toujours la meilleure valeur, ce qui signifie, anticiper les problèmes avant qu'ils n'arrivent et prendre la sortie de secours.
S'il n'y a pas d'issue et que vous êtes menacé, utilisez la désescalade verbale.
Funakoshi savait que les vrais combats peuvent impliquer plusieurs adversaires qui surgissent de nulle part.
Un siècle plus tard, les téléphones portables n'enregistrent que lorsque cela favorise les adversaires et leurs avocats.
Je sais que Nishiyama Shinan et Miguel Palavecino Sensei ont tous deux évité les endroits où un mauvais comportement était susceptible de se produire.
Les premiers coups sont pour les personnes judicieuses, sages et compatissantes.
et n'étaient pas favorisés par le vénérable Maître Funakoshi.
Miguel Palavecino Sensei enseignait avec une approche plus spirituelle et inclusive en incorporant le Tai Chi,le Judo, le Bo, des armes trouvées au hasard, des techniques de désescalade et la méditation du Dharma pour calmer l'arme fatale qui est en nous. Un retour aux sources. A l'aise dans n'importe quel contexte. Sur le sol, sur les rochers ou dans l'eau.
Un cours formel pour les ceintures avancées plus âgées pourrait trouver un public enthousiaste.
Quand l'athlétisme de la jeunesse disparaît, la sagesse doit servir. À l'intérieur du manuel du coach de karaté traditionnel de Hidetaka Nishiyama il y a la clé des techniques qui peuvent sauver des vies à tout âge.
C.J. Beck (tout à gauche) Sensei Vern Vaden (2ème à partir de la gauche) Hidetaka Nishiyama Shinan (centre avant)
(film ITKF 1986)
SJ ; Je vous laisse le mot de la fin ,
CJB :"Entraînez-vous avec les meilleurs pour développer un bon détecteur de baratin ( dans la phrase en anglais ; BS« bullshit » detector) pour vous-même et vos étudiants".
Voici une histoire vraie qui illustre bien ce dont je parle.
Le réalisateur Sidney Lumet dans son livre "Making Movies", et dans son interview de 1986 avec Dick Cavett en 1986, a déclaré que Marlon Brando donnait à ses réalisateurs deux prises apparemment identiques pour les tester.
Dans la première prise, il travaillait vraiment pour produire de l'authenticité.
La deuxième prise utilisait toutes les trucs d acteurs et apparences externes de la première prise, mais sans le travail de fond. Jouer la comédie peut être dur pour les
Émotions et le corps. Les acteurs entraînés le comprennent parfaitement. (A ce propos,Laurence Olivier,( note de sylvain pour les plus jeunes , Laurence Olivier était un acteur britannique ne en 1907 et décédé en 1989 , acteur légendaire shakespearien qui a joué entre autres dans les hauts de hurlevent , Hamlet , Richard 3 , etc… ) qui n'était pas un acteur de la Méthode,( note de sylvain ; « method acting ». Cette méthode travaille à partir de l'impulsion du corps et plus généralement à partir de ce qu'elle nomme « action physique ». Il ne s'agit pas de jouer bien, mais de jouer juste et, à partir de là, de toucher ce qui est vrai.) m'a dit qu'il travaillait dur sur lui-même extérieurement afin de développer intérieurement le personnage.
Si le réalisateur détectait la différence, Brando continuait à travailler dur. Dans le cas contraire alors il faisait semblant.
Après Nishiyama, beaucoup sont devenus ronin. Les derniers mots devraient être les siens :
"Les seuls "secrets" sont dans votre corps. C'est à vous de les dévoiler et
et de les faire travailler pour toi. Rendez chaque technique parfaite."
- Hidetaka Nishiyama.
SJ Tout d'abord, je voudrais vous dire un grand merci d'avoir accepté de prendre le temps de répondre à mes questions.
Ce fut pour moi un réel plaisir, J'espère que les personnes qui liront cette interview auront pris autant de plaisir que moi à vous lire !
CJB : Je t'en prie Sylvain. Je suis certain que tes lecteurs te remercieront d'avoir contribué à faire perdurer la tradition.
Pour les personnes anglophones qui voudraient en savoir plus sur C.J. Beck, je pourrais déjà conseiller la lecture de ses romans, dont "Sizzle" qui se déroule en Provence.
Mes romans peuvent être commandés sous forme numérique sur Amazon Kindle, Barnes & Noble Nook, et dans la plupart des librairies en livre de poche.
Dans mon travail, je cherche à partager des points de vue sur des sujets que je connais bien.
Il y a des bandes-annonces de livres sur YouTube qui donnent les idées qui se cachent derrière ces histoires, sans tout dévoiler
Lien vers le groupe d'apprentissage du karaté sur Facebook - Honoring Sensei Miguel Palavecino
interview réalisée par sylvain JOUAN
Budo Karaté France
Ichi Gan Karaté Traditionnel
Auribeau sur Siagne
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